Je me propose ici, en faisant largement référence à l’article paru dans Le Monde Diplomatique de Février 2008 (« Un traitement de choc pour l’hôpital public« , Grimaldi A., Papo T., Vernant J.-P.), de discuter (enfin,soyons sincères, d’attaquer) la nouvelle loi pour réformer l’hôpital public, dénommée T2A (tarification à l’activité).
Le système de santé publique n’est plus soutenable, l’hôpital coûte trop chèr à l’État et il doit être modernisé, nous dit-on. Il est facile de déclarer aujourd’hui que ce modèle ne fonctionne plus quand hier on a contribué, à travers des réformes successives, à le mettre en échec, à l’amputer de moyens humains et financiers (cf.Le Monde Diplomatique). C’est comme se tirer une balle dans le pied et dire qu’on ne peut plus marcher!
La mémoire populaire est courte, et les dirigeants politiques se lavent maintenant les mains de leurs responsabilités, comme si la « crise » était arrivée toute seule, de façon inévitable et irrépressible et que les gouvernements auxquels ils appartenaient n’y étaient pour rien.
Ainsi, c’est avec ces arguments qu’on prône la libéralisation du système public de santé et qu’on introduit l’idéologie managériale à l’hôpital, avec la nouvelle réforme, dénommée T2A (Tarification À l’Activité). Son bût déclaré est de diminuer le coût des hôpitaux, son objectif inavoué celui de financer les cliniques privées et de contribuer au désengagement de l’État du service public de santé.
« La T2A est faite pour mesurer la quantité, pas la qualité ; les procédures standardisées, pas la complexité ; les gestes techniques, pas l’acte intellectuel. Elle ne prend en compte ni la gravité, ni l’activité de services hospitaliers hautement spécialisés, ni la précarité, ni les problèmes psychologiques, ni l’éducation du patient… « (« Un traitement de choc pour l’hôpital public« , Grimaldi A., Papo T., Vernant J.-P). On continue de cette façon à adopter des procédures et des protocoles fondés sur la quantification et la codification de chaque acte humain, en négligeant de façon aberrante le réel, soit ce qui resiste à la maîtrise de l’homme. On calque sur l’humain le modèle de l’ordinateur, en désavouant ceux qui se confrontent au quotidien avec le nouveau et l’imprévisible de la vie même.
Par ailleurs, cette réforme semble contenir en elle-même des contradictions, puisque seule une partie des profits globaux gérés par la T2A vont être réinvestis dans les hôpitaux publics, qui seront inévitablement en déficit ce qui, à son tour, justifiera l’augmentation de la codification et de la tarification des activités hospitalières et nous entraînera dans une spirale de privatisation.
Ce changement de paradigme (« La médecine est une marchandise comme les autres » ; « Seul le marché est efficace pour régler les besoins » ; « La garantie de l’emploi est un luxe d’un autre âge », idem) aura également des effets sur l’embauche et le licenciement du personnel, avec la tentative d’abolir le statut de la fonction publique pour embaucher le personnel avec un statut de contractuel, et donc rendre plus simple le licenciement.
La T2A semble vouloir nous acheminer vers un modèle américanisé de santé publique, où chacun se verrait obligé de prendre son assurance ou mutuelle de santé privée et où ceux qui ne pourraient pas faire appel aux cliniques se trouveraient privés de soins.
« Deux voies de réforme du système de santé s’opposent. L’une, néolibérale de privatisation rampante, vise à transférer les coûts vers les ménages et les assureurs privés selon la formule : « A chacun selon ses moyens ». L’autre, républicaine, égalitaire, cherche à défendre le principe du : « A chacun selon ses besoins socialement reconnus » » (idem).
Duarte Rolo