Pour poursuivre un peu le débat que nous avons lancé, je vais prendre un exemple concret, celui de la psychodynamique du travail.
Née au début des années 90, la psychodynamique est issue de la confrontation de plusieurs disciplines engagées dans l’analyse et l’étude du travail comme la sociologie du travail, la psychopathologie du travail, l’ergonomie etc…Et c’est au cours d’un séminaire interdisciplinaire visant à confronter toutes ces approches du travail qu’est apparue la nécessité de fonder une nouvelle approche, qui puisse rendre compte d’une façon plus juste des processus dynamiques qui se jouent entre le sujet et le travail. C’est alors que Christophe Dejours décide de fonder cette nouvelle discipline, dotée d’une vraie théorie du sujet issue de la psychanalyse, mais aussi des apports de l’ergonomie francophone et de la sociologie du travail.
Voilá l’exemple d’une nouvelle approche qui surgit d’un besoin concret, c’est à dire une lacune des sciences du travail, apparue au cours de la confrontation (qui s’avéra fertile cette fois-ci) de diverses approches. On aurait pu penser que chaque discipline resterait accrochée à sa vision du monde, dénierait ses difficultés et ses impasses ainsi que le mérité des autres, défendrait son approche sans céder aux objections et contradictions. Voilá ce qu’on observe le plus souvent dans les guerres entre sociétés de psychanalyse et autres différentes chapelles. Mais dans ce cas c’est de la reconnaissance des difficultés que rencontrent les disciplines dans la tentative de comprendre un réel complexe et surdéterminé que naît le besoin de créer une nouvelle science, qui vient rendre compte d’un aspect du réel qui jusqu’à alors n’avait pu être abordé de façon satisfaisante par les autres.
Je trouve qu’on a ici un très bon exemple de ce que doit être un vrai débat scientifique, préoccupé de rendre compte de façon la plus fidèle possible du réel et pas seulement de défendre sa vision du monde, dans le déni de ses failles. La vraie place des sciences naît de ce besoin primordial d’approcher le monde d’une façon la plus fidèle possible.
– Autres articles propos de la notion de vérité en psychologie :
. Appel à l’aide théorico-pratique : pour les fondements d’une nouvelle psychologie
. Un exemple concret: la psychodynamique du travail
. La vérité en psychologie : hypothèses heuristiques et nombres complexes
Tout a fait d’accord avec toi 🙂
Toutefois il faut souligner de quelle « science » il s’agit ici : la psychodynamique du travail est une science humaine. Elle nait de la rencontre de (notamment) deux grandes sciences humaines: la sociologie et la psychopathologie.
Or les sciences humaines ne se posent pas la question de la vérité matérielle des faits et ne réfléchissent pas en terme de progrès positiviste.
Le problème c’est lorsque la psychanalyse essaie de se mettre en concurrence avec la médecine ou des disciplines qui empruntent leurs méthodologies aux sciences dures (les neurosciences cognitives pour ne pas les citer). Dans ce cas, la synthèse fonctionne mal (les tentatives pour faire cohabiter psychanalyse et neuroscience ne semble pas très satisfaisantes).
Je pense qu’un des problèmes concernant la psychopatho d’orientation analytique est qu’elle n’assume pas son statut : elle est une science humaine. Elle livre des interprétations (multiples) du réel mais n’énonce pas de vérité.
On ne se demande jamais, par exemple, si la critique littéraire est une science. Elle est une discipline, elle produit des interprétations (non exclusives les unes des autres) qui permettent de rendre compte des phénomènes..
Je voudrais trouver un livre ou un document qui traite de ce qu’il y a de commun entre le paradigme classique du travail et le modèle émergent de la psychodynamique du travail.
Bonjour,
Peut être certains passages dans « Le travail sans l’homme » d’Yves CLOT , selon ce que vous cherchez, n’avez vous rien trouvé dans ses ouvrages ou ceux de Christophe DEJOURS ? Vous pouvez aussi chercher dans les documents et les bibliographies des mémoires de recherches sur le site du CNAM. (Équipe « psychodynamique et psychopathologie du travail » au sein du Laboratoire de psychologie du travail et de l’action, C.N.A.M., FRANCE)