Jacques Lacan : Critique du retour a Freud

Suite de mon carnet de voyage en terre lacanienne.

Au départ, un choix binaire m’a fortement rebuté : à entendre nombre de ses épigones : Lacan on est avec ou contre lui. « La lacanie tu l’aimes ou tu la quittes » m’ont dit les premiers lacanians (habitants de la Lacanie) que j’ai croisé. Bon alors à ce petit jeu-là, personnellement, la Lacanie, je n’étais plus très motivé pour y rester. En même temps, j’étais un peu embêté car mon carnet de voyage risquait d’être assez vide..

A ce moment de ma lecture, je dirais que si on essaie de lire « tout Lacan », de s’imprégner de toute sa pensée et de poser un jugement sur sa théorie en tant que système, alors sa lecture devient vite insupportable. Trop de choses apparaissent injustifiables, inacceptables d’un point de vue théoriques (sans parler du rapport à la pratique clinique). Toutefois, il est possible de le lire autrement : comme une agrégation de réflexions, une série de tentatives et non un système totalisant. A mes yeux, Lacan c’est un homme angoissé, narcissique, n’ayant jamais mené à terme son analyse, mais profondément cultivé et dont l’esprit fonctionne à travers une série de fulgurances. Il tente d’associer des théories, de faire se rencontrer la psychanalyse et la linguistique ou la psychanalyse et la philosophie dans une écriture très post-moderne (façon Derrida). Parfois, cela produit de très belles choses, très riches. Parfois, cela semble complètement tiré par les cheveux, à la limite de l’imposture intellectuelle.

Pour tenter de séparer le bon grain de l’ivraie, il me faut donc dire quelques mots d’un point qui me pose particulièrement question dans la pensée de Jacques Lacan :

Le retour à Freud.

Par deux fois, Jacques Lacan se retrouve exclu du reste du mouvement psychanalytique pour son manque d’orthodoxie (notamment à cause de sa pratique des séances courtes). Il va donc, tout au long de son œuvre, tenter de prouver qu’il est bien freudien et même qu’il est plus freudien que la SPP (Société Psychanalytique de Paris) ou l’API (Association Psychanalytique Internationale). Ces réflexions s’inscrivent dans des enjeux de pouvoir mais vont avoir de grandes répercussions théoriques. Avec le recul du temps, cette part de la pensée lacanienne apparaît particulièrement incohérente.

Pour Lacan, il faut revenir à Freud. Non pas au texte freudien, mais à Freud lui-même, à la quintessence de sa pensée, à la direction de sa pensée que Lacan se fait fort de retrouver et de poursuivre. Lacan défendra cette idée tout au long de son œuvre. Et l’on entend souvent dire encore aujourd’hui que pour comprendre Freud, il faut lire Lacan car il aurait explicité le sens véritable de la pensée freudienne.

 

Une telle prétention est en complet désaccord avec tout ce que nous a appris la critique littéraire depuis la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, tout texte, de quelque nature qu’il soit, peut être pensé autour de trois pôles : l’auteur, le texte et le lecteur.

L’auteur constitue l’origine historique du texte. Dans le cas où l’auteur est mort, l’origine du texte est toujours partiellement perdue. On peut réfléchir sur ce qu’a voulu dire l’auteur, on ne pourra jamais en être sûr. De plus, réduire un texte à ce que l’auteur a voulu dire c’est oublier les deux autres dimensions d’un texte : le texte lui-même et le lecteur.

Le texte constitue la dimension matérielle de l’œuvre. On peut étudier la manière dont il est organisé, structuré, la façon dont certains thèmes reviennent etc. On peut alors montrer qu’il y a dans le texte plus que ce que l’auteur a voulu y mettre. Le texte s’ouvre ainsi à des lectures multiples selon l’angle sous lequel on le lit. Aucune d’elle ne peut réduire le texte à elle-seule mais elles peuvent être considérées comme plus ou moins pertinentes.

Le lecteur, enfin, est un agent essentiel du texte. Sans lui, sans sa subjectivité, pas d’existence possible du texte. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l’écriture de fiction : si un un auteur parle de « la guerre », cela ne peut pas être lu de la même façon par un lecteur du début du XIX, de 1950 ou de 2010. Idem pour un texte théorique. Lorsque Freud parle de « bon objet », je pense à Mélanie Klein. Je ne peux pas ne pas y penser et cela fait de moi un lecteur différent de celui qui lit Freud en 1940. Idem, lorsque je lis qu’il existe une « sexualité infantile », je ne suis pas scandalisé comme le serait un lecteur de 1920. Ce qui me parle ou ne me parle pas, ce qui fait que le texte peut être lu dépend de mon époque, de mes propres intérêts et expériences etc.

Croire que l’on pourrait réduire une œuvre à la pensée de son auteur est donc une illusion, en ce qu’elle oublie qu’un texte sans lecteur, cela n’existe pas. Croire que l’on va revenir à la vérité freudienne est une illusion qui entraîne Lacan dans une bataille chimérique pour la « vérité » originelle Freud. Freud est mort, la vérité originelle de sa pensée est à jamais partiellement perdue et ses épigones auraient dû s’en faire une raison. Lacan n’est d’ailleurs pas le seul à se fourvoyer dans ce mythe d’une vérité originelle et nombre de psychanalystes de la SPP continuent à penser en termes de lecture orthodoxe ou non orthodoxe de Freud..

Remarquons pour finir que la volonté de « retour à Freud » est en contradiction avec la pensée lacanienne elle-même. En effet, une des idées fondamentales chez Lacan est que la relation originelle, véritable, à l’objet (à la mère ) est toujours perdue. Je n’atteins jamais l’autre dans sa pureté car il est médié par le langage. Si ma mère vivante est toujours déjà perdue, comment  un auteur mort depuis une dizaine d’années pourrait-il être retrouvé dans la vérité de sa pensée?

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5 réflexions sur “Jacques Lacan : Critique du retour a Freud”

  1. Mes copins, je suis brésilien. Il y a six ans que mes droites humaines sont abusé en me pay par compte de motives religieux très complexes qu’il a commencé dans l’université ou j’ai etudé, que a été de gens « milenaristes » (des groups religieux fermés) ensemblé avec des groups plolytiques amis de les directeur. Le directeur general d’université il est une tipe de « publicité », intelectuel organique du façon polytique que gouverne le pay il y a 8 ans. Je suis de l’homme de bien (27 ans d’âge) mais je vivre en me propre pay au bord de la société en rapport juridique et morale, « encchainé », comme de « iluministe » detaché. Les autorités ignorent systemequement mes denonces au cause des grand intêresses des groups religieux politiquement trop fort en Brésil. Ils faisent case tout quant pouvent contre qui est en pas d’accord aux ses interêsses. Je toi solicite, s’il vous plaît, que tu passe avant cette mensage à toutes les persone qui vous conaissez. Je ne sais pas plus qu’est que faire. Je vais traduire des textes avec les questions fondamentaux par vous meilleur comprendre. S’il vous plâit, rendez-vous de visite en me site, il y a de traduction automatique: je lui donne me parole honorable qu’il n’est pas de publicité, c’est une problème trop grave. Je ne suis pas de folie , en delirant, de paranoide etc (j’etude psychanalyse aussi, de Lacan). tu peux crée et constater, mes copin. Je vous remercie. À bientôt. (J’ai quité déjá d’autres commentaires en ton blog, sur le Deleuze. Mantainent je necessite s’aider).

  2. le retour à Freud de Lacan avait aussi pour but de réintroduire une dimension politique dans une psychanalyse ajustée de l’american way of life : « La psychanalyse pourrait être une issue au discours capitaliste… ».
    C’est depuis ces dernières années seulement que l’on peut mesurer l’aspect visionnaire de ses formulations (montée en puissance de l’approche DSM pour ne citer qu’elle).
    L’autre difficulté a entrer « en lacanie » vient du fait de la difficulté de transposer son enseignement oral à l’écrit surtout lorsqu’on sait combien il abhorrait la poubellication : « ce qui fait public fait poubelle ».
    Ici aussi on peut aujourd’hui prendre la juste mesure de la véracité de ses propos.
    Lacan était un grand bourgeois cynique doté d’un « génie comique » inégalable (c.f. Sollers), un acrobate de la pensée qui pratiquait sans filet, ce qui encore une fois est (quasi) inconcevable de nos jours.
    De plus il ne faut pas négliger le fait que dans son travail, il souhaitait avant tout désacraliser le discours du maître (celui qui sait, qui saura…), ce à quoi ses analysants apeurés ont réagi en le suppliant pour qu’il occupe tout de même cette place : ils voulaient un maître, il leur en a donné un et non des moindres…
    A mon avis, pour visiter « la Lacanie » tout en profitant du paysage, le mieux est de s’y r rendre, c’est à dire tenter l’expérience de la cure… sinon il est difficile de comprendre l’ajout majeur (à mon sens) dans la pensée qui serait que le réel n’existe pas, qu’il se matérialise par un trou que la pensée essaie de combler au mieux avec des mots… au pire avec des chiffres (nous y revoilà encore à aujourd’hui).

  3. Merci pour votre sincérité.
    Au début de mon intérêt pour LACAN, j’ai aussi connu ce moment. Comme je cherchais à nourrir une critique de son œuvre auprès d’autres psychanalystes, l’un d’entre m’asséna : Il faut choisir son camp !
    Heureusement, j’en ai rencontré d’autres qui se moquent de ces petits soldats.
    A l’origine de toute science il y a le fantasme et la suite montre un objet, petit a, qui choit. Ici, il faut faire confiance à la langue et à l’intraduisible homophonie, le choix. En toute humanité réside ce « cho a », cette dimension de la perte qui massacre nos prétentions totalisatrices.
    Un retour à Freud est aussi un retour à Aristote : si le sage conclut à la suite de calculs, le tempérant, lui, prend une décision et pourrait s’écrier « La modération, mon cul ! Le désir m’habite »
    Effet de lecture ? Qu’est-ce qu’un « retour » dans une structure en cross cap ?

    Encore merci
    Pascal

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