« Il faut que ça change! »

« Il faut que ça change! » disent certains thérapeutes à leurs patients, comme si cette injonction était la clé de la guérison. La procédure est souvent la même: amener le patient à une prise de conscience de ses problèmes, lui montrer qu’il à des comportements, perceptions ou habitudes erronées, lui prescrire un chemin à suivre et surtout bien lui faire comprendre que s’il ne va pas mieux c’est de sa faute! Si on résume, on dit au malade (qu’on traite au passage d’une façon légèrement infantilisante…): « si vous êtes malade c’est que vous n’êtes pas suffisament motivé pour guérir, faites des efforts » et « il suffit de vouloir pour aller mieux », tel un self-made man engagé dans sa quête individualiste de succès.  

Cette conception de la psychothérapie – basée sur la modification des comportements que le thérapeute omniscient juge inadaptés et hors la norme – ressemble étrangement à d’autres modus operandi retrouvés dans des contextes bien différents : « vous ne produisez pas assez, vous pouvez faire mieux, faites plus d’efforts! ». Cela vous rappelle quelque chose?

Mais, au final, la souffrance psychique semble n’être que flêmardise et les malades mentaux n’ont besoin que d’un bon coup de pied aux fesses pour guérir! 

Duarte Rolo 

8 réflexions sur “« Il faut que ça change! »”

  1. bravo pour le blog comme je le disais à Vincent!

    Je me dis en lisant ce petit article qu’une personne pensant comme tu l’écris sur son propre thérapeute est prête pour une psychanalyse…
    ah… rien de telle qu’une bonne écoute flottante et des interprétations non inductives.

    A bon lecteur salut!

  2. Je découvre tout juste ton article sur Green… Belle élaboration! ça me renvoie à notre discussion à la soirée chez julie avec pierre sur les TCA (et plus particulèrement l’anorexie) pour le symposium.
    Idée à reprendre absolument!

    Félicitation à ceux qui ont crée ce blog.

    Une de vos premières fans.

  3. Merci mais en fait l’article n’est pas de moi. Il s’agit d’une page en construction dans laquelle je reprend les meilleurs articles d’un forum qui s’appelait « Philautarchie » et qui a fermé il y a plusieurs mois. Un « hommage » à un site qui nous a inspiré en quelque sorte .

    En tout cas je suis vraiment content que le site te plaise, ça fait plaisir d’avoir des lecteurs!

  4. Félicitations. Je lis votre blog depuis déja une semaine et je le trouve tres intéressant.

    A l’envers de ce thérapeute omniscient qui « juge » on peut trouver quelque fois le type qui ne lance jamais le defi mais qui préfère plutôt se croire une source infinie de sympathie!

  5. Merci pour les compliments.

    Quant à la remarque, effectivement une position de thérapeute à l’extrême inverse peut aussi être problématique.

  6. Avis aux « philosophes » psychanalytiques !
    « Les comportementalistes ne sont pas des cons ! »

    Une guerre anime actuellement le monde de la santé mentale en France, à laquelle une partie du monde philosophique prend part avec son arrogance et sa lénifiante mauvaise foi qu’on lui connaît parfois . Deux camps s’opposent. D’’un côté, la psychanalyse, de l’autre, l’approche comportementale devenue l’horrible bête noire qui est allé voir ce qui se passait vraiment dans la boite noire !

    Ainsi, avec un discours mal informé et mal intellectualisé voulant soit-disant défendre la liberté (de souffrir pendant des années probablement…) et lutter contre le totalitarisme et la volonté normative qu’ils auraient repéré dans les thérapies comportementales, certains tentent de diaboliser un soin à l’efficacité prouvé, dont d’évidence ils ne connaissent pas les principes , en l’amenant sur le terrain philosophique avec l’arrière pensée de promouvoir les intérêts de la psychanalyse. Non conscients de leur manque de clairvoyance aidons les à passer « d’une navrante incompétence inconsciente à un amère incompétence consciente puis au plaisir d’une compétence consciente» ! La volonté soignante en action !

    Dans le domaine du soin la cause est entendue. L’approche comportementale est très efficace et la psychanalyse ne peut pas en dire autant pas. Cela tombe bien parce que ce n’est pas un soin (dixit les psychanalystes eux-mêmes )! Que fait-elle encore dans les hôpitaux et sur les feuillets de l ‘assurance maladie ? Mais le nerf de cette guerre est peut-être bien là, sous la question du remboursement ?! Ah ! idéologie quand tu nous tiens ! Ceux qui protestent devant l’autel idéologique antilibéral contre ce qui serait un totalitarisme sont aussi soucieux de leurs intérêts capitalistes. Est-on vraiment un ami du peuple quand on estime l’heure d’empathie entre 50 et 100 euros ? Ils sont donc, parfois, capables de faire la part des choses !
    Quand ils auront pris la peine de faire une démarche philologique à minima et alors réalisé que le mot « comportemental » ne fait pas sens mais qu’ il fait référence, (« ce qui sous-tend les comportements humains » : physiologie, émotions, pensées, croyances, histoire personnelle, conations, cognitions, volitions, choix, envies, possibilités d’agir ou non, recherche du plaisir, évitement du déplaisir…) ils pourront y donner un autre sens.
    « Faire référence » ou « donner du sens », cette bataille pourrait d’ailleurs se résumer à ces deux options de lecture ou « d’interprétation » des attitudes humaines. Etre comportementaliste c’est observer le comportement douloureux, formuler des hypothèses sur sa genèse et proposer du bon sens sans dolorisme pour « celui qui veut que ça change puisqu’il vient consulter ». Où est l’intolérance promise!? Quand l’ anthropologie est taxé de fascisme !

    Mais allons sur leur terrain philosophique dont ils prétendent avoir le monopole pour vérifier si dans ce domaine ils n’auraient pas encore fait le mauvais choix idéologique.
    « Camarade philosophe, il va falloir choisir ta branche ! »

    Tout en haut de l’arbre généalogique qui sépare philosophiquement psychanalyse et approche comportementale il y a deux branches. La psychanalyse se trouve dans l’obscure feuillage automnal desséché de l’idéalisme et l’approche comportementale dans le gai bourgeonnement printanier matérialiste !
    Quand la psychanalyse est du côté du dualisme corps-esprit(âme) avec la primauté de la psyché (la puissance de l’inconscient) , le comportementaliste est du côté du monisme avec son apaisante réconciliation pensée-sensualité.
    Quand la psychanalyse est du côté du monde intelligible, le comportementaliste est du côté du monde sensible et sensitif. Le psychanalyste reste dans la caverne avec Platon, le comportementaliste se promène dans le jardin avec Epicure.
    Quand la psychanalyse est dans le camp du déterminisme avec Schopenhauer et Freud, le comportementaliste connaît la béatitude du libre arbitre car il a lu correctement Spinoza (déterminisme des passions mais libre arbitre de la pensée). D’un côté pulsion de mort freudienne, de l’autre conatus spinoziste. Quand les uns sont les défenseurs de la théorie du complot ou du conflit intra psychique les autres connaissent le principe d’automatisme mental.
    Quand le psychanalyste est dans le dogmatisme, le négationnisme scientifique et le cynisme réactionnaire de Lacan, le comportementaliste est avec Montaigne et Pyrrhon dans le scepticisme et révolutionne la psychologie avec Nietzsche, ses forces actives et son gai savoir. Le marteau contre le divan. L’un a des escarres fessières l’autre sent sous les bras ! L’un est triste l’autre a le sourire du Bouddha !
    Quand le psychanalyste est dans la transcendance de l’inconscient (« instance dirigeante »), le comportementaliste est dans l’immanence (« travaillons en situation dans le réel » ) avec Deleuze. D’un côté omniscience, omniprésence et omnipotence quasi religieuse du phallus, de l’autre arithmétique de la diversité de la physiologie sensorielle.
    Quand la psychanalyse fait précéder l’essence, le comportementaliste avec Sartre fait précéder l’existence car sa pratique est empirique donc humaniste (« expérimentons une façon de vivre moins coûteuse»). D’un côté le passéisme, le ressentiment et la cristallisation, de l’autre la résilience, la faculté d’oublier et la plasticité cérébrale !
    Quand le psychanalyste mise sur le pouvoir de l’aliénation du « transfert », le comportementaliste pari sur la libératrice « affirmation de soi » dont il fait la démonstration ( quand la « pédagogie du bien être » est taxé de dressage). D’un côté on est dans le narcissisme, de l’autre dans l’altérité.
    Quand le psychanalyste campe dans un mutisme laissant échapper quelques éructations d’un sophisme rhétorique (« je peux tout expliquer mais à vous de deviner »), le comportementaliste est un dialecticien faisant de la maïeutique socratique. D’un côté on est dans l’implicite et la méritocratie avec son culte de la personnalité, de l’autre on est dans l’explicite et l’égalitarisme. Quand l’un se croit de gauche l’autre l’est vraiment!
    Quand le psychanalyste croit encore que la morale existe en renversant Rousseau (« l’homme est naturellement pervers ») le comportementaliste est « conséquentialiste » avec d’Holbach.
    Quand l’un croit en Dieu l’autre est athée. Quand la psychanalyse est du côté de la culpabilisation ou de la recherche stérile de responsabilité comme beaucoup de scolastique, le comportementaliste est du côté du clinamen atomiste et de la médiation.
    Quand le psychanalyste philosophie dans le boudoir avec Sénèque, la bourgeoisie, et les stars qui s’ennuient, le comportementaliste est dans la rue avec « la misère sale » des drogués et alcooliques, les araignées et Diogène.
    Quand le psychanalyste est du côté de la croyance, de la quête de sens, de la divination des rêves, de l’astrologie et de Nostradamus , le comportementaliste est du côté de la neurobiologie, de la neurophilosophie et de l’hérétique Galilée !
    Quand la psychanalyse est du côté de la raison pure, le comportementaliste est du côté de la raison pratique. L’un se contente de la catharsis sur « velours rouge » et l’autre a déjà un train d’avance dans lequel il est monté avec le plébéien Epictète pour faire ce qui dépend de « soie ».
    Quand le psychanalyste en terme de sotériologie choisit le fatalisme augustinien avec comme péché originel la peur de perdre son pénis ou le désespoir de ne pas en avoir, le comportementaliste choisit un « pélagianisme rationnel » (quand le positivisme scientifique permet la psychologie positive !).
    Quand la psychanalyse revendique à la Hegel une intelligence théorétique (faite de concepts de renversement et de refoulement), le comportementaliste la lui laisse et se contente de proposer une philosophie hellénistique comme manière de vivre. Le bons sens vertueux ! Trop simple, suspect, il doit y avoir sublimation !!!

    Nous voilà en bas de l’arbre ! Il y a ceux qui sont dans le réel, la vie vraie , et ceux qui peuvent se payer le luxe de continuer à chercher l’idée de vie.
    Le comportementalisme ne serait peut être pas qu’une simple une école de dressage. Il se pourrait même que loin d’être orphelin philosophiquement, les comportementalistes ont réalisé un éclectisme des plus judicieux de « la philosophie comme manière de vivre ». En somme, une praxis proposée par des praticiens qui ne pensent pas qu’à devenir des patriciens. « Machine à vivre » contre « machine à créer des concepts ». C’est ce que certains appellent un « imbécile pragmatisme » en oubliant qu’il n’y a pas à choisir entre l’utile et le subtile, et encore moins entre le corps et l’esprit !
    Ami psychanalyste et philosophe, à toi de dire de quel côté se trouve la capacité à vivre selon le bien !

    Les cons-portemanteaux

  7. Bon, pour une fois qu’on a un lecteur assidus et un post plus long que l’article de base, il faut qu’il soit en désaccord avec nous, c’est pas de chance.. Mais avant tout, merci, Fred, pour cette réponse dont je dois saluer la verve et la richesse. Le cognitivisme peut s’enorgueillir d’avoir un défenseur de ton niveau et ça ne va pas être facile de passer derrière un tel plaidoyer.

    Il n’empêche que sur le fond, je ne suis tout de même pas d’accord. Je n’ai pas beaucoup de temps pour développer ma réponse mais je voudrais quand même faire une ou deux remarques.

    Premièrement, je ne suis pas sûr que les cognitivistes aient, dans leur majorité, les volontés – et les connaissances – philosophiques que tu leur prêtes. Pour avoir subi pendant trois ans des cours sur le cognitivsime en question, je peux t’assurer que je n’ai entendu parler ni d’immanence deuleuzienne, ni de marteau nietzschéen, et je dois même avouer que je n’ai vu sur les visages de mes professeurs nulle trace du sourire de Boudha (mais, bon, j’ai peut-être mal regardé).. Je te soupçonne d’ailleurs de ne pas être un pur produit du comportementalisme : référence à Deleuze, à Nietzsche, à Sartre, jeu de mot lacanien en guise de signature. Ne serais-tu pas un philosophe déçu de la psychanalyse qui serait passé chez l’ennemi?

    Ensuite, même si je t’accorde que la psychanalyse est loin (même vraiment très loin) d’être exempte de toute critique, il y a des choses qu’on ne peut pas lui reprocher. Dire que la psychanalyse est du côté du dogmatisme, pourquoi pas, mais de là à affirmer que la révolution nietzschéenne de la psychologie est du côté du comportementalisme, il y a un pas que je ne franchis pas. Nietzsche n’a jamais pensé le corps comme un corps physiologique soumis à un déterminisme étroit. Il est, au contraire, une des origines du concept de Ca chez Freud. Quand au gai savoir nietzschéen rappelons quand même ce qu’il en dit : « Une fois la science ramenée à sa source qui est la vie, une fois la science devenue interprétable comme activité artistique, le philosophe a les moyens de démontrer certes qu’il existe une forme malade de la science. Mais aussi une forme qui est au contraire le produit de la plus éclairante santé :  » la gaya scienza  » ». A mon avis, cette vision de la science n’est pas celle des comportementalistes qui cherchent à trouver des causes expérimentalement observables aux comportements humains.

    Plus généralement, je pense que nous (je m’inclus dans le « nous ») sommes parfois trop critiques avec les thérapies cognitivo-comportementales (tcc). Si elles sont pensées comme des outils permettant au clinicien d’aider de manière plus efficace et plus rapide les patients, je les trouve même très utiles. Le problème vient, à mon avis, de la vision de l’homme sous-tendue par le cognitivisme (qui n’est pas les tcc) ou, pour utiliser un gros mots, par l’idéologie qui y est, bien souvent, associée. Je ne crois pas, malgré ce très beau plaidoyer, que le cognitivisme – et encore moins le comportementalisme – soit du côté de Sartre, par exemple. Pour eux, l’homme n’existe pas au sens où Sartre l’entendais (comme un pro-jet), il « est » et est déterminé par des causes qu’il suffirait de trouver et de modifier pour réparer la machine. Les problèmes arrivent ainsi dès lors qu’on prend ces théories au pied de la lettre. Il arrive ainsi, par exemple, qu’on présente aux étudiants de licences un postulat pratique (« le cerveau humain fonctionne comme un ordinateur ») comme une « vérité » scientifique. Le problème c’est que le cognitivisme, lorsqu’il se fait une idéologie et non une pratique, une méthode, tend à réduire la vie humaine à une série de causes simples et même très simples (car sinon comment pourraient-elles être vérifiées expérimentalement). Et je ne crois pas que voir l’homme comme une mécanique aide à avoir dans la clinique à son égard une attitude bienveillante. Je ne veux pas dire que pratiquer les tcc empêche d’avoir une attitude bienveillante, ma critique porte sur la vision strictement déterministe de l’homme..

    Il ne s’agit que de quelques remarques. J’espère qu’elles ne seront pas vues comme un anathème jeté sur les défenseurs du cognitivisme mais qu’elles permettront de nourrir le débat, car je suis persuadé que c’est en confrontant des opinions et des positions différentes que l’on fait avancer la réflexion..

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*