« Avec les mots on ne se méfie jamais suffisamment, ils ont l’air de rien les mots, pas l’air de dangers bien sûr, plutôt de petits vents, de petits sons de bouche. […]On ne se méfie pas d’eux les mots et le malheur arrive. »Louis Ferdinand Céline
Voici quelques propos entendus dans un cours de Master : « Ma directrice de stage a un comportement narcissique. Il y a quelque chose de très défensif dans son attitude à mon égard » ; « Le fonctionnement de l’équipe est très clivé. Les infirmières veulent jouer au psychologue » ; « Je pense que cette éducatrice fait un transfert négatif sur moi[1] ».
Avez-vous le même sentiment que moi en entendant ces phrases ? Oui ? Et vous avez raison de souligner que, dans chacun de ces exemples, l’apprenti psychologue fait du concept psychanalytique qu’il utilise le porteur d’un jugement moral. Les mots de la clinique y sont utilisés comme des armes ou comme des insultes (ce qui, me semble-t-il, vient dire quelque chose du regard que portent ces futurs professionnels sur leurs patients). Comment une telle bêtise, un tel mésusage du savoir psychologique et psychanalytique est-il possible ? C’est ce dont nous allons tenter de rendre compte.
On peut comprendre pourquoi des étudiants, mais également nombre de psychologues, aiment tant faire de leur jargon des insultes, si l’on revient sur la spécificité de la clinique. Lors des entretiens qu’il mène, le psychologue ou le stagiaire se doit de rester dans une posture « neutre » et « bienveillante ». Il se garde autant que possible de porter un jugement sur la personne qu’il reçoit ou de lui donner un conseil ou un avis. Pourtant, en son for intérieur, il est possible qu’un clinicien porte parfois – voire plus que parfois – des jugements sur celui qu’il reçoit. Il pourra selon ses goûts se dire : « Quel gros con celui-là » ou, plus spécifiquement, « C’est quand même bizarre, un « anormal ». Moi je ne suis pas comme cela. En plus, je n’aime pas les pauvres et les pleurnichards. Je serais mieux avec ma coiffeuse à discuter de ma dernière permanente.[2] ». Ces phrases traversent l’esprit de notre clinicien mais n’atteignent jamais ses lèvres. En effet, doté d’un Surmoi bien intégré et d’une solide formation, il sait qu’il nuirait au prestige de sa profession en se laissant aller à pareil élan de sincérité. Il ne fait pas non plus part de ses émois à ses collègues de peur de se taper la honte et, pour peu que son superviseur ne soit pas suffisamment inquisiteur, il n’en parle à personne. Dès lors, notre clinicien se drape dans son silence et reste seul face à ses pensées, ses déceptions ou son mépris de ceux qui n’ont pas atteint son niveau d’adaptation sociale. Que deviennent alors ces pensées refoulées ? Et bien, elles font retour dans son discours lorsqu’il parle de ses collègues psychologues ou des autres professionnels de santé. Cette haine qui n’a pas pu se dire face au patient se déverse alors dans le flot d’un discours irrationnel dès lors qu’il s’agit de parler « entre psychologues ».
Il me semble que ce phénomène typiquement névrotique peut être considéré comme une des causes de certaines dérives sectaires en psychologie ou en psychanalyse. En effet, comment expliquer sans cela que les professionnels de l’écoute que nous sommes soient à ce point incapables de se parler sans se diviser en une multitude d’églises théoriques refermées sur elles-mêmes ?
[1] Je vous fais grâce du reste, mais, croyez-moi sur parole, des phrases de ce genre vous en entendez tous les jours dans les couloirs des universités de psychologie (et, notamment, pour parler plus spécifiquement de ce que je connais, à ParisV).
[2] Pour saisir toute la finesse sociologique de cette dernière remarque il faut, cela va sans dire, connaître ces grandes bourgeoises qui, arrivées à un certain âge, font de la psychologie un hobby.
Mon conjoint a des sautes d’humeur fréquemment et de plus il dit des choses très méchantes
C’est ta faute si je me mets en colère
Dans l’auto il met l’air conditionné, moi je trouve qu’il fait très froid et d’autres aussi me l’ont mentionné. Il se fâche p.c.q. je lui demande de la baisser.