Moquons-nous de Françoise Dolto

ou pourquoi il est dangereux de publier ses théories (elles risquent d’être lues 50 ans plus tard).

Je sors de la lecture de quelques ouvrages de Françoise Dolto et je dois dire que c’est plus intéressant que je le pensais. Elle a tout de même un sens clinique pour le moins impressionnant. Je ne saurais d’ailleurs que trop conseiller sa lecture aux jeunes étudiants en psychologie. Elle permet d’avoir une idée claire (quoi qu’un peu simplifiée) de la pensée freudienne.

Néanmoins, F.Dolto professe parfois des énormités plus grosses qu’elle, avec un aplomb sidérant, et relire certains passages avec le recul du temps constitue une activité ludique indéniable.

Voici donc deux extraits tirés de Psychanalyse et pédiatrie (1971, coll. Points, Seuil) :

p.236-237 A propos de Marcel (10ans) qui vient notamment pour des problèmes de pelades.

Remarques conclusives à propos de la thérapie et de l’évolution de Marcel:

« Tel qu’il est, il est au même niveau que bien des enfants de son âge qui deviennent des adultes fort adaptables, c’est-à-dire « normaux » bien que n’atteignant jamais le stade génital du point de vue objectal, ce qui signifie que leur activité sexuelle pourra être adulte, mais avec une affectivité infantile et un objet d’amour choisi sur le type oedipien inconsciemment homosexuel : la femme phallique, autoritaire et frigide ».

p. 225-226 : A propos de Didier (10ans) qui consulte pour un retard scolaire considérable.

La thérapie est interrompue, la mère opposant une très grande résistance. Il s’agit visiblement d’un personnage extrêmement désagréable qui « considère les hommes comme des « enfants » et les enfants comme des « choses » ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que F.Dolto a un contre transfert très négatif vis-à-vis de cette mère.

Remarques à propos de l’avenir de Didier:

« A notre avis le pronostic social de Didier est bon, mais au point de vue sexuel, la puberté étant proche, Didier ne nous paraît pas capable, avec la mère qu’il a, de résoudre la question autrement que par l’homosexualité manifeste. Ceci dans le cas le plus favorable, car, chez lui, l’homosexualité représente la seule modalité inconsciemment autorisée par son Sur-Moi, calqué sur le Sur-Moi maternel. […] Au cas, possible, où ses objets d’amour l’obligeraient à refouler son homosexualité dans les années d’adolescence sous peine de perdre leur estime, Didier perdra alors la plus grande partie de ses moyens de sublimation, et sera sans doute obligé de vivre, impuissant sexuellement, aux dépens d’une femme riche, autoritaire, qui éventuellement, lui racontera ses aventures avec d’autres hommes. Ce sera plus ou moins ouvertement un voyeur, et en tout cas un inhibé social masochiste ».

Ces citations m’inspirent plusieurs réflexions:

Autant dire que l’avenir de ce pauvre Didier est déjà tout tracé: transsexuel à Clichy à 20 ans, gigolo d’une vieille riche à 30… Plus sérieusement, et en passant outre ce douteux déterminisme, il ne faut pas trop accabler cette pauvre F.Dolto qui écrit aussi des choses très intéressantes (disons qu’elle nécessite une lecture sélective). Cela prouve aussi que, lorsqu’elle constituait la théorie de référence, la psychanalyse se permettait des excès qui ont en grande partie disparu aujourd’hui. On a en effet ici, l’image d’une théoricienne sûre de détenir la vérité, réductrice, aveuglée dans ses certitudes au point de se croire capable de jouer les Cassandre. Cela me fait penser aux propos de certains neurologues actuellement, convaincus d’avoir découvert le Graal. Il me semble que la position de théorie majoritaire pousse à ce genre d’excès. Et la désaffection que subit la psychanalyse depuis plusieurs années est peut-être, de ce point de vue, un mal pour un bien.

 

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