La vérité en psychologie : hypothèses heuristiques et nombres complexes

Suite aux discussions sur le statut de la vérité en psychanalyse (cf. appel à l’aide théorico-pratique), je voudrais me livrer à une petite digression sur la notion de la vérité. Il ne s’agit pas ici d’aborder cette question frontalement et de manière théorique mais au détour d’une métaphore. En effet, je suis persuadé qu’une métaphore ou une comparaison produit parfois plus de sens qu’une stricte réflexion théorique.

 

Francesco Mai

 

En mathématiques l’ensemble des nombres complexes englobe celui des réels. Les nombres complexes sont définis par une base réelle et une base imaginaire (i) qui correspond à x multiplié par racine carré de -1 (cf. wikipedia). √-1 est un chiffre qui « n’existe pas » (il s’agit d’un calcul qui n’admet aucune réponse) pourtant les nombres complexes sont utiles car ils permettent de résoudre des équations qui sans cela sont insolubles. Pour le dire dans un vocabulaire qui n’est pas celui des mathématiques, √-1 est « faux » dans le sens où aucun calcul dans la vie courante ne peut avoir ce chiffre pour résultat final. Dire que mon compte est crédité de √-1 euros n’a aucun sens. De ce fait, les nombres complexes doivent être supprimés, consommés, au cours du calcul mathématique. Pour le dire autrement, il est nécessaire, dans certaines équations, d’avoir recours à une impossibilité qui sera supprimée car elle permet de résoudre l’équation en dépassant une difficulté à un moment du calcul.

Certaines hypothèses en psychanalyse ou dans la religion me semblent avoir le même statut que les nombres complexes : elles ne sont pas vérifiables ni falsifiables et n’ont été démontrées par aucune expérience scientifique. Pourtant, il est nécessaire de les utiliser dans certaines situations, tout comme il est nécessaire d’utiliser les nombres complexes dans certaines équations.
Ces hypothèses (pour prendre des exemples très schématiques : l’existence de Dieux ou l’existence de l’inconscient) ne doivent donc pas être jugées sur leur réalité mais sur la réalité de leurs effets. La question qui se pose alors est : faut-il utiliser telle hypothèse plutôt que telle autre? Pour y répondre, il convient de se poser deux questions:
a/ Est-ce utile?
b/ Est-ce bien?

La question de l’utilité du recours à telle hypothèse plutôt qu’à telle autre va notamment se poser dans le cas des thérapies. En effet, dans ces cas, il existe un but que l’hypothèse doit permettre d’atteindre. Et l’on cherchera dès lors à savoir s’il est plus utile de penser le sujet en termes psychanalytiques, comportementalistes ou systémiques pour que la thérapie soit réussie (reste à définir ce qu’est une thérapie réussie mais c’est un autre débat).
La question du bien se pose lorsque ce qui est recherché n’est pas d’ordre thérapeutique. Dans ce cas, on ne saurait choisir pour l’autre quel nombre complexe il souhaite utiliser pour résoudre l’équation de son existence et l’on ne saurait dire s’il est « mieux » d‘être chrétien, freudien ou lacanien.
Il me semble que ce double clivage entre d’une part réalité observable et hypothèses inobservables et, d’autre part, entre hypothèse utile et hypothèse juste permet de clarifier de nombreux débats en psychologie qui, mélangeant trop souvent ces différents niveaux, ne permettent pas de développer une réflexion claire.

 

– Autres articles propos de la notion de vérité en psychologie :

     . Appel à l’aide théorico-pratique : pour les fondements d’une nouvelle psychologie 

     . Un exemple concret: la psychodynamique du travail 

     . La vérité en psychologie : hypothèses heuristiques et nombres complexes 

9 réflexions sur “La vérité en psychologie : hypothèses heuristiques et nombres complexes”

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  2. Article intéressant et effectivement porteur de sens !
    Mes réflexions me portent également à penser qu’il est nécessaire de formaliser une épistémologie de la contradiction (dans ton article : √-1) dès que l’on veut rendre compte de l’humain en tant qu’il parle ou qu’il est pris dans le langage – et c’est bien là sa spécificité, son problème.

    Je te suis moins pour ce qui est du choix d’une hypothèse (d’un paradigme?) par le double critère de l' »utile » et du « bien ». L’hypothèse de l’inconscient (le paradigme psychanalytique) contient déjà une conception des effets souhaités. De même que le paradigme TCC (l’hypothèse que l’homme est déterminé ? déterminable ??) contient ses conceptualisations. Ainsi, « être utile » ou « être bien » ne sont pas des critères objectifs qui permettraient d’évaluer de l’extérieur la psychanalyse, les TCC ou la systémique, mais des critères qui se conçoivent dans les termes de chacun des paradigmes. La question éthique « est-ce bien ? » ne connait pas de formulation dans l’absolu. Je ne peux m’empêcher d’y répondre par une autre question : « qui pose cette question ? » (un cognitiviste, un analyste…. ?)
    Quant à la question « est-ce utile ? », il me semble qu’elle est en fait la formulation de la question du bien dans les termes de l’approche TCC, ou en tout cas dans les termes d’un certain utilitarisme.

  3. @ Gomboc :
    C’est vrai que je ne me suis pas appesenti sur la définition des termes de « bien » et « d’utile »…
    Les critères du bien et de l’utile ne sont certes pas des notions objectives, il n’empêche qu’on y a très souvent recours (de manière souvent implicite) dans la thérapie et c’est en ce sens que je voulais les différencier.
    L’idée était pour moi de différencier deux approches, l’une utilitariste, l’autre plus « morale », subjective ou philosophique des concepts psychologique.
    Dans l’approche utilitariste, c’est-à-dire dès lors me semble-t-il que l’on est dans une institution de soin ,se pose la question de l’utilité des concepts théoriques. Dans ce cas, c’est tout à la fois le patient et celui qui nous emploie (pour le dire vite : l’état en tant qu’expression de la société) qui sont les juges de notre utilité. Il convient de se demander, par exemple, lorsque l’on reçoit un patient toxico si tel médicament ou telle thérapie va être utile ou pas..
    A l’inverse, dans le cas d’une recherche plus personnelle c’est au sujet seul qu’il convient de fixer ce qui est bon ou non pour lui.
    A mon avis, ce n’est donc pas aux thérapeutes eux-mêmes de dire l’utilité ou le bien de leur pratique car ils risqueraient d’ête tout à la fois juges et partis, ce qui est le meilleur moyen de faire des conneries 🙂

  4. Comparaison n’est pas raison. Nous pouvons opérer sur des objets dit mathématiques au contour défini. Même si le nombre √-1 n’existe pas en tant que tel, les opérations de constructions sont précises et effectué à partir d’objets précis.

    Il n’en est pas de même avec le psychisme et l’inconscient, dont les artistes ont toujours eu la préscience.

    Si √-1  » n’existe pas  » en tant que nombre, il existe en tant qu’objet permettant de résoudre des équation dont les racines sont des nombres qui existent ou des nombres composés dits complexes paece qu’il peuvent avoir une partie dite « imaginaire » et une autre dite « réelle ». C’est ce qui a troublé les premiers mathématiciens qui les ont découvert. Par la suite, on s’est rendu compte que ces nombres peuvent être aussi considérés comme des opérateurs de rotation et qu’il peuvent décrire un vecteur (deux nombres) . Par exemple a+b√-1 se manipule comme le vecteur (a,b) pour l’addition et l’opération extérieure comme produit. Leproduit intérieur (a,b)x(c,d) égale (ac-bd,ad+bc). ce dernier résultat correspond au nombre complexe (ac-bd) +√-1 (ad+bc).

    Par la suite on s’est demandé s’il existait des vecteurs de dimension supérieure qui se manipulerait comme des nombres. La réponse est vrai en dimension 4. Le  » nombre  » (a,b,c,d) est un quaternion. Ces nombres perdent la commutativité AxB n’est pas forcément égale à BxA).

    On peut comprendre à partir de là, les désaccords concernant la matière psychique. Si l’important et de guérir et de soulager, le discours du guérrisseur peut devenir une sorte de placébo. Le placébo est la preuve de l’inconscient, il n’est pas lapreuve de la vérité psychanalytique. TOut le reste n’est qu’imaginaire…encore un produit de l’inconscient.

  5. J’ai beaucoup appris grâce à ca merci et ne faites pas attention àu personnes ki rage et qu’il commente mal
    Bonne continuation

  6. Simpas et très très très très appréciable , cultivable ,on apprend vraiment c’est vraiment limite agréable à lire et comprendre jaime vraiment se passionnant article vraiment !!!

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